En quoi cette carte et cet article s’inscrivent-ils dans le programme ?

Les territoires de la mondialisation sont au cœur du programme de terminale, et en particulier les espaces maritimes. Il s’agit de montrer qu’avec la maritimisation des échanges la pression et les tensions sont de plus en plus fortes dans ces espaces.

En effet, plus de 80 % des échanges se font aujourd’hui par voie maritime. C’est dans ce contexte que la piraterie maritime est redevenue une activité très pratiquée dans nombre de pays pauvres, Philippines, Somalie, Nigeria…

Le récit des mésaventures du jeune Nigérian Boris Oyebanji, relaté dans cet article du quotidien sud-africain Mail & Guardian, permet de comprendre les ressorts de cette activité criminelle et de se demander pourquoi le golfe de Guinée est devenu la région la plus dangereuse du monde pour les marins.

Pris en otage

Le 4 mai 2019, le jeune Oyebanji (26 ans) part en mer au bord MV Charis. Il quitte le port d’Onne, au Nigeria, pour rejoindre un pétrolier qu’il doit escorter à travers le golfe de Guinée. Son remorqueur est lui-même escorté jusqu’à la frontière maritime de la Guinée équatoriale, où il est laissé seul.

La nuit du 5 mai le MV Charis est abordé par des pirates qui braquent le jeune second. Faute de trouver quoi que ce soit de valeur, ils décident de l’emmener pour aborder un autre navire, le Blue Marlin, qui transporte des colis lourds certainement monnayables.

Les sept pirates prennent d’assaut ce deuxième navire et tentent de déloger la vingtaine de membres d’équipage réfugiés dans une pièce sécurisée. Leur stratégie est alors d’emmener le bateau sur les côtes nigérianes pour pouvoir le piller. Mais Oyebanji a réussi à donner l’alerte et deux hélicoptères mettent en fuite les pirates.

De nombreux patrouilleurs guinéens et espagnols croisent en effet dans cette zone pour tenter de dissuader les pirates. Cependant, à leur arrivée au port de Malabo, les autorités locales jettent Oyebanji et son équipage en prison. Ils sont accusés d’avoir tenté de détourner le Blue Marlin.

L’information se propage rapidement dans les médias locaux et même jusqu’en Europe. Il faut attendre finalement le 22 mai pour que, grâce à la pression des réseaux sociaux, Oyebanji et le reste des marins soient libérés. Il conclut ainsi : “Je ne retournerai pas dans cette zone sans sécurité. Je n’y retournerai pas.”

Une activité lucrative

Ce que nous apprend ce récit, c’est que la piraterie est bien redevenue une activité lucrative, et c’est précisément la conséquence de la mondialisation actuelle.

Pour les pirates, les bateaux chargés de marchandises ou de matières premières représentent une manne très tentante. Et comme il est difficile pour les États de sécuriser la route de ces navires, une embarcation rapide, des armes et quelques membres d’équipage suffisent souvent à prendre d’assaut ces immenses navires.

Les trois zones les plus dangereuses au monde sont en fait celles où l’on trouve des passages obligés pour les bateaux (les seuils maritimes) et proches de pays pauvres ou en crise.

Ainsi, la piraterie est depuis longtemps présente aux alentours du détroit de Malacca (en Asie du Sud-Est, entre la Malaisie et l’île indonésienne de Sumatra), dans le golfe d’Aden (dans la Corne de l’Afrique, entre la Somalie et le Yémen) depuis les années 1990 et, de plus en plus, dans le golfe de Guinée.

Si dans les deux premières zones la piraterie diminue du fait de la surveillance accrue des États, elle explose littéralement au large du Nigeria.

Une région à haut risque

En 2019, 90 % des actes de piraterie ont eu lieu dans cette zone. Il peut s’agir, comme nous l’avons vu, d’abordages, d’enlèvement avec demande de rançon (une centaine en 2018) ou de vol de marchandises.

Le golfe de Guinée est en effet propice à la piraterie car les eaux territoriales du Nigeria regorgent de pétrole et la circulation des navires y est intense.

Les pirates visent en priorité les bateaux supply (qui ravitaillent les plateformes offshore) ou les cargos qui transportent des produits pétrochimiques. Ces produits sont d’ailleurs souvent revendus jusqu’à l’intérieur de l’Union européenne.

L’organisation OBP (Oceans Beyond Piracy) constate même une augmentation des attaques dans les ports du Nigeria.

Une grande partie de ces pirates sont d’anciens pêcheurs pauvres qui se sont reconvertis dans ce secteur. Mais il existe aussi des gangs organisés qui gèrent les prises d’otages et les demandes de rançon. Enfin, on trouve de plus en plus de pirates liés à des groupes terroristes qui motivent leurs attaques par des raisons politiques.

Comment expliquer que partout dans le monde la piraterie recule alors qu’elle n’a jamais été aussi présente dans le golfe de Guinée ?

Ailleurs, les États ont réussi à mettre en place une réelle coopération internationale et une surveillance efficace des navires. Ainsi, l’opération Atalante, déployée en 2008 par l’Europe dans le golfe d’Aden, a permis de réduire de près de 40 % les attaques des pirates.

La faiblesse des États, la corruption et les désaccords sur les zones économiques exclusives (ZEE, en droit maritime une bande de mer ou d’océan située entre les eaux territoriales et les eaux internationales, dans laquelle un État côtier dispose de l’exclusivité de l’exploitation des ressources) rendent la coopération internationale encore bien trop fragile dans le golfe de Guinée.